Logiciel XPN de la police : un fiasco à plus de 257 millions d’euros dénoncé par la Cour des comptes

Logiciel XPN de la police : un fiasco à plus de 257 millions d’euros dénoncé par la Cour des comptes

Seb 10 déc. 2025 3 min de lecture 763 vues
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Dix ans de développement, plus de 257 millions d’euros dépensés et un outil toujours inutilisable : le logiciel pénal de la police nationale, désormais baptisé XPN, fait l’objet de vives critiques dans une ordonnance de règlement de la Cour des comptes. Le document, long de plus de 500 pages et consulté par Le Monde, examine de manière minutieuse les responsabilités au sein du ministère de l’Intérieur et pointe une suite d’errements organisationnels.


Un outil pensé pour les statistiques plutôt que pour les enquêteurs

Conçu pour faciliter la rédaction des procès-verbaux, XPN reste incapable d’assurer des tâches de base : jusqu’à 17 clics seraient encore nécessaires pour enregistrer un simple fichier PDF, et l’outil ne peut pas importer des documents dépassant 5 Mo sans en dégrader la qualité, au risque de les rendre inutilisables pour les magistrats.

Selon la Cour des comptes, l’orientation initiale du projet s’est éloignée des besoins opérationnels. Le développement a été largement conçu comme un outil de production statistique, avant qu’un comité stratégique ne réoriente tardivement le logiciel vers les usages réels des enquêteurs… en décembre 2018, trois ans après le lancement du projet.


Coopération avortée et gouvernance éclatée

L’histoire du logiciel remonte à 2014, lorsque le LRPPN, prédécesseur de XPN, est jugé inadapté dès sa mise en service. Une coopération police-gendarmerie est alors envisagée. Le ST(SI)2 lance une première étude commune, mais les tensions interservices, les rivalités personnelles et une gouvernance jugée « confuse » finissent par faire voler l’accord en éclats.

En octobre 2016, la gendarmerie quitte brutalement le projet, craignant que les développements imposés par la police ne perturbent LRPGN, réputé performant. Le chantier se poursuit donc côté police, mais sans bénéficier d’une coordination claire ni d’un pilotage stable.

La Cour des comptes décrit un enchevêtrement de structures, de comités stratégiques et de réformes successives de la gouvernance numérique au ministère de l’Intérieur, qui ont contribué à diluer les responsabilités. Entre 2016 et 2020, le comité de coordination censé se réunir mensuellement n’a siégé que cinq fois.


Un impact opérationnel direct

Pour les enquêteurs de la police, les conséquences sont concrètes : lenteurs, pannes fréquentes, impossibilité de gérer certains fichiers, absence de prise en compte des évolutions légales, notamment en matière de garde à vue. Plusieurs organisations représentatives, Unité, Alliance, Syndicat des cadres de la sécurité intérieure, ont fait part de leur exaspération à la Cour, évoquant un projet « en état de fiasco » et « sans bénéfice pour les collègues ».

La Cour estime le coût total du programme, incluant le temps perdu par les enquêteurs entre 2022 et 2026, à 257,4 millions d’euros.

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